L'objectif avoué de la loi Création & Internet est de provoquer un effet de levier : la lutte contre la contrefaçon musicale doit entraîner une importante hausse du téléchargement légal. C'est le vœu pieux de Pascal Nègre, P-DG d'Universal Music France, interrogé sur BFM Radio.
L'offre de téléchargement légal, comme il est maintenant coutumier de l'appeler, repose essentiellement sur le format de fichier MP3.
Mais que savez-vous vraiment de ce format ? Qu'est-ce qu'un fichier MP3 proposé sur les plateformes légales de vente de musique (ou d'écoute), dont on nous dit beaucoup de bien ? Voici en 7 points la réponse à cette question en apparence anodine.
1. Le MP3 est un vieux format
C'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes. Certes. Celui du MP3, de son nom de baptême MPEG-1/2 Audio Layer 3, est assez âgé : 1992, voire bien plus âgé si l'on se réfère à sa biographie officielle. A cette époque, mon Amiga trônait encore fièrement sur mon bureau, c'est vous dire ;-) Le MP3 est un algorithme de compression audio qui a vécu, mais qui rend encore bien des services. Ce n'est certainement plus une technologie d'avenir.
2. Le MP3 est un format qui a atteint ses limites...
La qualité première du format MP3, c'est bien entendu son extraordinaire capacité à compresser un fichier audio sans diminuer la qualité d'écoute, à partir d'un taux de 128 Kbps. C'est particulièrement vrai dans des registres musicaux comme le Pop ou le Rock, où la copie sur K7 était d'ailleurs très répandue. En une petite ligne de commande, et après une tasse de café, vous obteniez un fichier audio "qualité CD" capable de tenir sur une disquette 3,5". Un petit miracle.
A l'heure des disques durs de plusieurs centaines de Go, de l'ultra-haut débit ou de la 3G, cette prouesse n'est plus vraiment nécessaire. Pis, l'encodage maximal à 320 Kbps est devenu une vraie limitation. L'avantage compétitif du MP3 a donc vécu. Son usage est devenu aussi banal que celui d'un fichier Jpeg, par exemple.
3. ...mais sous-exploité par l'industrie du disque
Et pourtant... plus de 17 ans après la normalisation du MP3, des fichiers sont encore vendus encodés en 128 Kbps quand on peut atteindre 320 Kbps. Que dire aussi de la sous-exploitation du format ID3 tag ? Imaginez que le MP3 peut contenir non seulement de la musique, mais des visuels (pochette, photo de l'artiste), des textes, les paroles du morceau que vous écoutez, et un ensemble impressionnant de meta-données... toutes plus délaissées les unes que les autres. Ne pas remplir ces données, c'est un peu comme vendre un CD Audio sans sa jaquette.
4. C'est un format breveté (et c'est mal)
Comme de nombreux formats propriétaires qui nous empoissonnent la vie, le MP3 est breveté. Ce qui signifie en clair que tous les distributeurs de musique au format MP3 doivent s'acquitter d'une licence calculée sur le chiffre d'affaires. En réalité, tout logiciel ou société ayant recours à ce format (un encodeur MP3, par exemple) doit payer des royalties à Thomson :-) Beaucoup ne les payent pas, d'ailleurs, à en croire la liste des clients licenciés.
5. Un fichier compressé à pertes n'est pas "réversible"
A partir d'un CD Audio, je peux - lorsqu'il n'a pas été sournoisement "protégé" - créer autant de fichiers MP3 que je le désire, à différents taux de compression afin de gagner un peu de place sur mon vieux baladeur de 256 Mo (oui, je sais...), soit en qualité maximale afin de préserver la qualité de restitution.
L'inverse n'est pas vrai : impossible de partir du fichier MP3 afin d'obtenir une piste audio en 16 bits/44 KHz. C'est bête, mais il faut le savoir. C'est précisément ce qui fait passer notre pauvre vieux format dans la catégorie des produits jetables pour le commun des d'jeunes mortels.
6. Le MP3 n'est pas un "produit", mais une licence
Vous achetez un Compact-Disc chez votre disquaire préféré : il est à vous, vous pouvez l'offrir, le donner, le vendre, le jeter dans la rue afin de faire un heureux. Lorsque vous téléchargez légalement (sic) un fichier MP3, vous faites l'acquisition d'une licence qui vous donne le droit... d'écouter le morceau. C'est à peu près tout ! Extrait des CGV de Fnac.com, Article 12 - Propriété Intellectuelle :
Toute revente, échange, louage des fichiers ou transfert à un tiers, sont strictement interdits.
Ainsi que :
Le client ne bénéficie quant à lui que d’un droit d’utilisation personnel de ces fichiers dans un cadre strictement privé et gratuit.
7. Un format qui renferme des données personnelles
En prime, chaque fichier MP3 téléchargé doit théoriquement être marqué par le distributeur, avec au minimum un identifiant de transaction qui permettra de remonter jusqu’au client ayant acheté le titre, si jamais vous aviez la très mauvaise idée de copier votre fichier sur l'iPod de votre petite amie. Vous ne le saviez pas, mais vos MP3 vous sont dédicacés. :-D
Et là, vous me dites : il n'a pas du tout répondu à la question que sous-tend le titre de son billet ! Mais alors quel est l'avenir de la musique en ligne, si ce n'est le MP3 ?! Eh bien, ceci est une autre histoire. ;-)
1 De Elo -
1. Vieux format : je ne l'utilise que depuis 1997 (j'utilisais du Wave compressé auparavant et ce n'était pas aussi bon) mais le format JPEG est encore plus ancien si tu vas par là. Ce qui est vieux n'est pas forcément mauvais. Quand ça fonctionne bien, pourquoi changer ?
2. Limites : quel intérêt de compresser à 320Kb (même avec des Go de place) quand le but est de stocker, d'archiver ? Et puis la différence n'est pas si flagrante (je ne la cerne même pas). Ce n'est pas parce que tu as beaucoup de place qu'il faut forcément grossir la taille des fichiers.
4. Le brevet n'est pas forcément mauvais. J'ai acheté une licence auprès de Thomson il y a 10 ans sans jamais avoir reversé par la suite. Il faut comprendre le travail de chacun, on n'est pas au pays de Oui-oui.
5. Le format est réversible mais avec quelques pertes pas forcément discernables. Pas trop grave, donc.
6. Oui, c'est vrai, mais ils ont tellement de mal à vendre des fichiers que j'imagine mal un Price Minister du MP3.
7. Personnelles, personnelles... Faut pas exagérer. Il y a l'encodeur, oui, mais aucune info personnelle.
2 De Fred Bird -
L'avenir... Serait-ce le Ogg Vorbis, peut être bientôt pris en charge par les navigateurs via la balise <audio> ?
3 De bohwaz -
@Elo :
La différence entre 128k et original est énorme (et terrible pour les oreilles), si tu ne sens pas la différence, je te conseille de consulter...
Le format est réversible avec une perte, c'est un peu comme enregistrer une cassette sur CD, c'est possible mais bon quel intérêt ?
Le mieux est de compresser en VBR au-delà de 192k, voir 256k, la taille reste raisonnable et la qualité est très intéressante. Le vorbis lui, prends moins de place pour une meilleure qualité et est évidemment l'avenir (même si ça fait déjà des années qu'on l'utilise).
Sinon il ne faut pas voir le MP3 comme un mauvais format, c'est un format générique : reconnu partout (même si ça a pris un sacré temps), facilement diffusable. On pourrais le comparer au JPEG : à compression normale la qualité n'est pas extraordinaire mais ça se vaut, on peux pour de l'archivage l'utiliser jusqu'à 640 kbps (320 kbps est la limite imposée par la spéc pour les décodeurs, mais on peut encoder jusque 640 sans souci).
Mais pour la performance technique et qualitative on préfèrera le Vorbis (qu'on peut comparer au PNG ou au JPEG2000) et le FLAC (comparable au RAW).
4 De Elo -
A bohwaz :
Non, je ne distingue pas les différences entre 112, 128, 160, 192... et l'original.
Tu oublies de spécifier que tout dépend de l'encodeur et de sa configuration. C'est sûr que je vois la différence avec du Xing mais pas avec du Lame.
Quand à l'Ogg Vorbis, je ne dis pas que ce n'est pas bien, c'est juste que ce n'est que trop peu utilisé pour être intéressant.
5 De codez -
@bohwaz : alors la je te défit de voir la différence entre un CD et un MP3 encoder en 128 (par itunes), bien entendu le test sera effectuer sur le même ordinateur et donc avec les même enceinte, je veux bien admettre que sur un ensemble HIFI haut de gamme on puise entendre la différence, mais sur du tout venant cela m'etonnerais
6 De kurtbosh -
En 128 on sent nettement les différences sur un ensemble hifi correct (Yamaha 1200 et colonnes B&W).
En 320 sur certains morceaux, c'est difficile de cerner des différences. Sur d'autres morceaux, on les entend quand même.
Le OGG est nettement plus performant.
7 De nq4 -
Lol.
Billet interressant mais les commentaires dérivent
relol.
(d'un ton sérieux, bien sur.)
8 De Elzbar -
--> nq4 Surtout le dernier
9 De nq4 -
Tu auras, bien sur, compris que c'est voulu ;-)
10 De Guillaume -
@Elo :
Je voulais souligner l'idée que le MP3 n'est pas le meilleur format commercialisable, loin de là. Du point de vue de l'utilisateur lambda qui numérise ses CD, je suis par contre d'accord avec ce que tu écris.
Mais si je me place en tant que distributeur de musique, alors ces "défauts" deviennent rédhibitoires. On parle souvent des faiblesses de l'offre légale, mon intention était de mettre en lumière le fait que le support utilisé n'est pas (ou plus) le bon, et que l'industrie du disque doit s'orienter très vite vers de nouveaux formats et modes de distribution.
Concernant tes commentaires sur les brevets : je pense que le brevet logiciel est une mauvaise chose, mais je ne suis pas le mieux placé pour en parler. Le format MP3 n'est pas réversible stricto sensu, donc on ne peut comparer une piste d'un CD Audio avec un titre MP3 en termes de valeur marchande (réelle ou perçue). Concernant la qualité d'écoute, c'est un vrai débat que je laisse là aussi aux spécialistes. Je préfère personnellement encoder mes CD Audio en 160 Kbps minimum, en deçà la dégradation du signal est perceptible.
Enfin, regarde bien le contenu des fichiers que tu achètes sur iTunes par exemple, tu y trouveras ton nom et ton prénom en clair ! C'est une obligation récente, par encore appliquée par tous les distributeurs, mais déjà par le numéro 1 de la vente numérique. En tant que consommateur, ça me pose un vrai problème... Pas toi ?
11 De Troll_payant -
Le 256 vbr va très bien. C'est juste que certains extrémistes veulent se la péter soit disant parce qu'ils ont une oreille supérieure à celles des autres, ou alors plus riches car ont du matos "Hifi".