Page d'accueil du mini-site ZéroThune

Annoncé pour septembre 2010 sur le blog de Philippe Lagane, avant de connaître de graves difficultés financières qui déboucheront sur un dépôt de bilan et une mise en redressement judiciaire début 2011, le site zerothune.com serait sur le point de voir le jour.

Il se faisait d'ailleurs attendre sur la page Facebook officielle du projet, comme en témoignent certains commentaires agacés de « fans ».

De nouveaux partenaires...

La société éditrice du futur ZeroThune, Urban Musique, s'est tournée vers de nouveaux partenaires afin d'assurer le développement et le lancement de son site Web.

La version initiale du site, qui devait laisser une place conséquente au contenu éditorial grâce à « (...) une encyclopédie de type Wiki administrée par l’entreprise et complétée par les internautes sous forme participative » et à un « (...) contenu rédactionnel plus fourni que sur n’importe quel autre concurrent actuel » selon les mots de la journaliste du Site des marques, sera en tout état de cause simplifiée dans cette nouvelle mouture (quoique temporaire a priori).

Le premier de ces nouveaux partenaires est le site de vente à crédit WellPack.fr. Cette enseigne - qui ne donne que très peu d'interviews ou d'informations sur ses résultats, si ce n'est à travers SOCIETE.COM et dont le dernier article dans le Journal du Net remonte à 2008 - est un système de vente à crédit de produits high-tech pour l'essentiel.

Par exemple, il vous en coûtera 10 € par mois pendant 48 mois afin d'acquérir la nouvelle Nintendo 3DS (pack avec deux jeux) contre 167 € chez Amazon en achat comptant (console nue). Un système intéressant lorsque vous ne pouvez débourser une telle somme dans le mois, mais qualifié de « cher au final » selon l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, et affichant des « prix au comptant (qui) sont parfois prohibitifs », toujours selon elle.

Le développement technique de cette nouvelle version de ZeroThune a vraisemblablement été confié à la SSII West Interactive. Cette société est proche de WellPack, dont elle a d'ailleurs réalisé le site Internet. Le site sera en toute probabilité hébergé sur ses serveurs.

Logotype de 7digitalEnfin, et c'est probablement le plus surprenant, la musique ne sera plus fournie par Amazon France, ce qui avait été annoncé par AccessOWeb en 2010, mais par un de ses concurrents venu d'outre-Manche : la société 7digital. Impossible de savoir ce qui a motivé l'abandon d'Amazon pour 7digital, on peut simplement supposer que la position « d'outsider » de la société aura offert une meilleure base de négociation pour Urban Musique. Les titres seront téléchargés depuis ce site, tout comme ils devaient l'être depuis le site d'Amazon dans la première version de ZeroThune.

7digital s'est lancée assez tardivement sur le marché français, mi-septembre 2009 et compte 13 millions de titres dans son catalogue, dont certains disponibles en qualité lossless (le nouveau cheval de bataille des sites de téléchargement légal).

...et un mini-site de teasing

Une offre comme celle de WellPack a un besoin constant de nouveaux prospects à démarcher afin de générer de nouvelles ventes à crédit. En se rapprochant de cette société, le site ZeroThune se dotera, on peu le supposer, d'une certaine assise financière, du savoir-faire marketing des équipes dirigées par Boris Berdah, P-dg de WellPack et de la base de membres constituée par cette dernière.

La musique est un droit - art. 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

A la charge du concept développé par ZeroThune d'apporter une meilleure qualification et donc un meilleur taux de transformation de ses fichiers prospects.

Exemple de formulaire ZeroThune - Copyright Urban Musique, WellPack, West Interactive

Le nouveau site ZeroThune n'a semble-t-il pas encore été finalisé car on annonce à l'internaute qu'il sera « (parmi) les premiers prévenus de l'ouverture » ; il laisse temporairement la place à un site simplifié : exit le contenu musical biographique et discographique et les ambitions éditoriales et « wiki » des premières heures.

La mécanique est axée sur le remplissage de questionnaires destinés à dresser votre « profil consommateur ». Plus vous passerez d'étapes (4 écrans) et plus vous remplirez de formulaires, plus votre compteur de « thunes », la monnaie virtuelle du site, augmentera (jusqu'à 50 thunes, maximum atteignable dans cette pré-version de ZeroThune).

Saisie du téléphone mobile - Copyright Urban Musique, WellPack, West Interactive

Mais il sera nécessaire de laisser votre numéro de téléphone portable afin d'accéder aux deux premiers titres offerts (tous sans DRM, contrairement à Beezik), le bon d'achat étant envoyé par SMS. A noter que la version à laquelle j'ai pu avoir accès est susceptible de changer d'ici le lancement officiel du site.

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Ce mini-site laisse à penser qu'il s'agit avant tout d'un « galop d'essai » destiné à mesurer les retours et dont la suite du projet pourrait dépendre.

Un modèle économique difficile à cerner

Ce pré-lancement doit bien entendu avoir un coût, qui passe par la musique offerte. Deux titres sont proposés à la fin du tunnel d'inscription qui comporte 4 étapes. C'est-à-dire que chaque nouveau « membre » de ZeroThune coûte un peu moins de 2 € à la structure Urban Musique-WellPack pendant cette phase.

Connaissant le système des chèques cadeaux, ceux-ci ont probablement dû être achetés en gros et suffisamment provisionnés afin d'absorber le pic de demandes des premiers jours (deux morceaux gratuits étant offerts par internaute). Un titre vaut en moyenne 0,80 € HT à l'achat. Mettons que l'objectif du lancement de ZeroThune soit d'atteindre les 10.000 inscriptions, c'est donc un chèque de 16.000 € qui a dû être concédé (2 x 0,80 € x 10.000).

ZeroThune se dit être un système permettant de trouver « pour (les internautes) le moyen de financer leur musique et se (chargeant) de leur trouver des opportunités, des avantages particuliers et des promotions auprès de marques de références », selon la fiche de la start-up sur CrunchBase.

Reste à rentabiliser cet investissement et à transformer l'essai en proposant d'autres morceaux en téléchargement à ces nouveaux utilisateurs. Il existe trois principales formes de monétisation de bases de données qui pourraient soutenir cet effort : le lead generation, la location de fichiers et la co-registration.

Le lead generation est certainement la méthode la plus lucrative (de 3 à 5 € pour un « prospect froid » jusqu'à plusieurs dizaines d'euros dans certains secteurs comme... le crédit !). Mais elle requiert que toutes les coordonnées de l'utilisateur soient communiquées à l'acheteur/annonceur. On constate en moyenne une vente de fichier qualifié pour 10.000 contacts générés dans sa base. La masse critique de cette dernière est donc fondamentale.

La location de fichiers rapporte en moyenne 0,50 € de chiffre d'affaires par an et par inscrit (c'est ce qu'on appelle l'ARPU). Elle consiste très simplement à communiquer les adresses e-mail des membres ou router des messages pour le compte d'annonceurs. La tarification se fait au CPM ou bien parfois au CPA/CPL (le tarif dépend alors du rendement des adresses louées).

Enfin, la dernière méthode, la co-registration (le fameux opt-in partenaire) rapporterait de 0,15 € à 0 ,50 € par adresse, en fonction des conditions de location de celles-ci (via une régie ou bien en direct avec l'annonceur). Le chiffre d'affaires en co-registration serait de 0,30 € par an et par inscrit.

A titre d'exemple, on estime l'ARPU de Facebook à $4 par an et par utilisateur « actif ». La clé du système réside donc dans la taille de la base de données, indépendamment de la qualité ou la fraîcheur des données qu'elle renferme : 100.000 inscrits semble être un chiffre à atteindre avant de pouvoir séduire annonceur ou brokers (qui se chargent alors de commercialiser votre base moyennant commission).

Un système au service de WellPack ?

On imagine donc que le système ne reposera pas sur ces trois leviers lors de son lancement mais plutôt sur la symbiose ZeroThune-WellPack : ce nouveau service doit aussi servir à alimenter la base de données de WellPack afin de générer de nouvelles ventes à crédit (avec un incentive de 50 €). Charge ensuite à cette entité de faire grossir la base de données ZeroThune et de trouver des débouchés commerciaux à travers les canaux habituels du marketing-direct.

On peut craindre cependant que les futures offres poussées par ZeroThune vers ses membres ne soient constituées que de produits vendus par WellPack, au moins dans un premier temps (j'ai effectivement reçu suite à cette opération en une dizaine de jours 6 e-mails commerciaux de WellPack, ndla). ZeroThune pourrait aussi prendre le chemin d'un programme de fidélisation des clients WellPack : des thunes leur étant offertes lorsqu'ils complètent leurs fiches membres, achètent des produits à crédit, parrainent leurs amis, etc.

Il est possible d'imaginer que ZeroThune aura obtenu de 7digital une réduction sur la musique du fait de l'apport de clients à sa plateforme de téléchargement. Mais ce coût d'acquisition initial doit être tout de même très élevé. On est amené aussi à se poser des questions sur l'entretient de la base de données ZeroThune : il faudra bien offrir de nouveaux téléchargements pour fidéliser les « zéronautes » et éviter un trop grand turn-over.

C'est d'ailleurs l'un des problèmes de Guvera, concurrent d'outre-Atlantique : ses membres se plaignent sur les réseaux sociaux de l'absence d'offres publicitaires qui leurs permettent de télécharger de nouveaux titres gratuits. Guvera a d'ailleurs lancé l'écoute en streaming afin de calmer la grogne de ses utilisateurs et s'est lancée cet été dans la « Groupon-Mania ».

Guvera's Facebook wall

La publicité peut-elle encore financer le téléchargement de musique ? C'est à cette question que devra se confronter le prochain ZeroThune dont aucune date de lancement n'a pour l'instant été communiquée.

Mise à jour : l'ouverture du mini-site et le lancement de l'opération ont bien eu lieu le 22 septembre dernier, l'e-mailing m'ayant été envoyé à l'adresse que j’utilisais pour recevoir la newsletter du site WellPack. Le site est en tous points semblable à celui testé en avant-première.

L'opération n'a pas été relayée sur le site temporaire ni sur les outils sociaux de la marque (Twitter ou Facebook pour ne citer qu'eux). A noter enfin qu'un seul titre n'était réellement téléchargeable sur 7digital au lieu des deux annoncés sur le site (bien qu'il m'ait été dit par ZeroThune que deux titres étaient effectivement téléchargeables).