Omnifone n'est pas une marque connue du grand public car cette société anglaise opère dans le monde du B2B, c'est-à-dire des services aux entreprises. Omnifone est ainsi derrière l'offre de streaming d'un certain nombre d'acteurs de l'informatique ou de l'électronique : HP, Sony, RIM (avec l'application BlackBerry Music), etc. à travers son offre white label MusicStation, véritable boite à outils de la musique numérique.
La société Omnifone vient de franchir une nouvelle étape en propulsant dans 16 pays, dont les États-Unis et la France, un nouveau service de streaming à la demande. Ce service s'appelle rara et ce lancement présente quelques caractéristiques qui méritent que l'on s'y intéresse.
De la marque blanche à la marque en propre
On imagine sans peine le savoir-faire technique et la connaissance du marché de la musique numérique accumulés par les équipes d'Omnifone à travers les différents partenariats et déploiements de solutions Web, applicatifs et mobiles pour le compte de ses clients.
Là où je pense personnellement que le marché B2B est bien plus intéressant que le B2C déjà (laborieusement) occupé par les Spotify ou Deezer, Omnifone procède en sens inverse : d'abord la marque blanche puis le lancement d'une marque en propre, rara.com.
Le discours de Rob Lewis est relativement simple : l'objectif est de séduire les 80% d'internautes ou possesseurs de smartphones qui n'ont pas encore cédé aux sirènes du streaming à la carte (et qui estiment que leur opérateur ne se goinfre pas déjà suffisamment tous les mois). Et pour ce faire, rara mise sur une large couverture géographique dès le lancement et sur une application Web et mobile (Android seulement pour l'instant, mais iOS a été annoncé) qui se veut plus graphique, ludique et simple d'utilisation.
HP devrait précharger (quoi donc d'ailleurs, une application ?) rara sur ses ordinateurs, faisant doublon avec l'offre conjointe déjà lancée sous l'étiquette MusicStation.
Une offre qui n'apporte rien de nouveau
Sans surprise, la grille tarifaire de rara.com n'est qu'un copier-coller de ce que propose la concurrence, grille dont on peut dire qu'elle est dictée par les quatre trois majors du disque. Pas d'innovation possible de ce côté-ci : 4,99 € pour la version Web et 9,99 € pour l'abonnement mobile.
Le lancement rapide semble avoir été facilité d'une part, par l'expérience d'Omnifone mais aussi par son modèle économique : en effet, exit le freemium cher à Spotify et Deezer : pour tester le produit, il faudra passer obligatoirement par la case abonnement. Mais rassurez-vous, les trois premiers mois seront facturés 0,99 € (1,99 €pour l'offre mobile). Cela suffira-t-il à ne pas laisser à la porte du site (mal traduit en français) les plus curieux ?
Rara affiche au compteur « plus de 10 millions de titres » et déjà une embrouille avec le distributeur Merlin, absent de cette sélection qui n'a pas manqué de critiquer le lancement de l'offre malgré l'absence de ses artistes.
Autant dire que l'interface graphique tant vantée par le chairman de Rara Media Group Ltd. aura intérêt à être à la hauteur (avec une bonne dose de Facebook pour ne pas contrevenir à la bulle mode actuelle).
Lancement global pour concurrence locale
Rara aura donc à affronter sur le terrain local des services de streaming à la carte plusieurs adversaires : Spotify tout d'abord, qui a certainement le plus d'arguments à opposer à la spin-off d'Omnifone, Deezer et sa béquille Orange qui fait de lui un acteur majeur sur le marché français, puis Qobuz sur le créneau de la « super-vraie-qualité-CD-tu-m'en-diras-des-nouvelles », l'offre d'Allomusic dont le système de zeeks est en train de se retourner contre elle et enfin le discret musicMe.
J'ouvre ici une petite parenthèse au sujet d'Allomusic : c'est le seul site dont le streaming « gratuit » n'est pas (encore) bridé, contrairement à ses deux grands concurrents. Encore un paradoxe de l'industrie du disque. Parenthèse close. :-)
L'abandon du freemium a sans doute permis d'une part un lancement rapide à l'international, raccourcissant les négociations avec les ayants droit dont certains répugnent à regarder ce modèle pourtant proche de celui de la radio, et d'autre part de prendre un risque financier moindre. Un de mes fidèles lecteurs saura sans doute de quoi je veux parler. ;-)
Il est enfin intéressant de noter qu'on ne se lance plus dans le téléchargement payant mais uniquement dans le streaming : personne ne veut répliquer le modèle de l'iTunes Store, pas même Google comme le faisait très justement remarquer aujourd'hui un intervenant de l'émission On refait la musique sur Radio Neo (bien qu'ils y viennent enfin avec Android Market).
Le téléchargement est mort, le freemium aussi, vive l'abonnement, vive le streaming !