Ce sont des utilisateurs d'Allomusic qui m'auront amené à m'intéresser à ce problème, suite à quelques commentaires extrêmement vindicatifs laissés sur deux de mes billets. La raison de leur colère ? La fin de la conversion de leurs zeeks en bons d'achat sur le site d'écoute Allomusic.
Allomusic et l'écoute rémunérée
La start-up Allomusic s'est lancée en mars 2009 comme un portail de la musique multi-services, l'équipe produisant elle-même le contenu du site, agrégeant services d'écoute, d'achat de places de concerts, comparateur de prix, etc.
La formule n'ayant pas pris, le site se positionne alors sur le créneau de l'écoute en streaming gratuit et par abonnement sur le modèle d'un Deezer ou d'un Spotify.
Afin de se dissocier de ses concurrents, Allomusic décide de « rémunérer » ses membres (qu'ils soient ou non abonnés) lorsqu'ils écoutent par exemple une nouveauté. Les points accumulés appelés zeeks (qui existaient déjà dans la première formule du site) sont ensuite convertibles en bons d'achat Fnac ou Amazon qui permettent d'y acheter tout ce que proposent ces sites, un « zeek » valant 0,001 €.
L'idée est intéressante sur le papier mais en pratique elle se révèlera désastreuse à la fois en termes de trésorerie et d'image.
Allomusic se moque de ses clients, ne parvient jamais à leur fournir des bons, site totalement bidon !
Fin 2011, les bons d'achat sont de plus en plus difficiles à obtenir. Allomusic semble freiner leur distribution et l'incompréhension cède la place à la colère parmi les abonnées (premium) du site. Certains ont en effet accumulé des dizaines, des centaines de milliers de zeeks en quelques mois et beaucoup ont déjà profité des largesses du système qui leur a permis d'acheter iPads, ordinateurs, etc.
Jusque-là, le site se montrait très généreux. Les abonnés bénéficient d'un doublement de leurs points qu'ils payent 5 ou 10 euros par mois. La formule à 5 € permet donc d'accumuler plus facilement des zeeks sans débourser les 10 euros mensuels demandés par la formule or.
Écouter les nouveautés ou partager une playlist avec des amis permet, par exemple, de gagner des zeeks. Il suffit alors de créer plusieurs comptes, créer des playlists faussement populaires, écouter en échange celles des autres, et voir votre capital de zeeks augmenter. De même, il est possible de jouer les morceaux en tâche de fond et même de couper le son du lecteur intégré sans que cela gêne l'attribution des points.
On comprend mieux comment certains membres ont pu accumuler autant de points, comme en atteste la liste des membres les plus actifs :
A en croire ce tableau, les cinq premiers membres ont accumulé plus de 200 € de gains, à comparer aux 119,88 € annuels de la formule or ou même aux 59,88 € de la formule argent.
Des bons d'achat au tirage au sort
Face au problème croissant que posaient les zeeks, Allomusic a mis fin à leur conversion en décembre puis a annoncé préparer une nouvelle formule qui a malheureusement beaucoup tardé à être révélée et appliquée, générant toujours plus de grogne et d'insatisfaction parmi les membres, ces derniers attendant les nouvelles modalités d'échange pour renouveler (ou pas) leur abonnement.
L'argument officiel derrière ce changement à 180° n'était pas l'excès de popularité et la trop grande générosité du système mais le fait que les membres d'Allomusic achetaient des produits bien éloignés de l'univers musical du site, ce qui était certainement vrai mais il n'y avait aucune obligation de la part de l'internaute de consommer de la musique, seulement un vœu pieu de la direction. Bref, ce n'était pas très « musique » d'acheter une poussette ou un iPad avec ses zeeks.
Or, après de longues semaines d'attente, le nouveau système a enfin été révélé fin février (pour un lancement courant mars).
Les zeeks deviennent une monnaie de loterie : plus vous misez de zeeks (au minium 1000 zeeks soit « 1 € »), plus vous aurez de chances de remporter un des lots mis en jeu. Une bonne manière de réduire le nombre de cadeaux distribués tout en liquidant un maximum de zeeks sans aucune contrepartie.
De plus, les loteries n'auraient lieu qu'une fois par mois : 19 cadeaux dont 9 potentiellement intéressants sont donc à partager au sein de la communauté.
Problème : les lots ne sont pas non plus totalement orientés « musique » : on y retrouve un iPad et des blousons parmi d'autres cadeaux (casques audio et mixtapes). Sans doute afin de ménager les abonnés.
Sur les forums d'Allomusic ou sur sa page Facebook, la grogne n'a bien sûr pas cessé, ce nouveau système ne satisfaisant pas tous les membres. Certains réclament même le solde de leur compte au 31 décembre 2011 sous la forme de bons d'achat.
Quel impact aura eu cette gestion de crise sur les abonnements ? Difficile à dire puisque Allomusic, qui affiche 7 millions de titres au catalogue contre 15 millions pour ses concurrents, ne communique pas sur le nombre d'abonnés or ou argent ou même d'inscrits.
Quel est aujourd'hui la stratégie et le positionnement de ce site qui bénéficie pourtant d'un énorme avantage sur Deezer ou Spotify en France puisqu'il est le dernier site de streaming Web totalement gratuit et sans limites d'écoute, privé de son « écoute rémunérée » qui semblait être le principal intérêt de la formule, à en croire ses membres ?