La logique de l'opt-in partenaire et de la revente de bases de données non qualifiées et commercialisées de manière scélérate poussent certains annonceurs qui en font l'acquisition dans une situation inédite.

Au moment de l'achat d'une base de « prospects », chaque adresse peut se voir d'office attribuer un compte client. Ce compte est alors régi par des conditions générales d'utilisation que le nouveau membre est réputé avoir lues, comprises et acceptées.

Abonné d'office à un site communautaire ainsi qu'à sa newsletter

Or, ce nouveau membre dont l'adresse e-mail, parfois accompagnée d'un éventuel pseudo, du sexe ou de l'âge présumé de son propriétaire (et ici d'une adresse postale fantaisiste), ne fait pas lui même la démarche de s'inscrire sur ce site dont la finalité est dans un premier temps l'envoi d'une lettre d'information qui contient le plus souvent de la publicité directe pour des produits d'une marque ou indirecte, via l'affiliation.

Capture d'écran de l'espace client de Ma vie en couleurs

Rien n'empêche ensuite un éditeur de site peu scrupuleux de commercialiser à son tour « sa » base de données d'inscrits qui n'en sont pas réellement mais deviennent automatiquement « qualifiés » car on leur a alors trouvé un centre d'intérêt (la thématique du site). Logique !

D'une adresse laissée un mois, un an, trois ans plus tôt sur un site de jeu concours, vous devenez membre à part entière d'une communauté dont vous devrez respecter les règles, le cadre législatif car le site peut être français comme issu de l'Union Européenne ou extra-européen et de (re)devenir monnaie commerciale ou d'échange.

La question essentielle de la traçabilité des échanges de données personnelles à des fins commerciales se pose alors.

Logo Ma vie en couleurs, copyright Publicis K1, tous droits réservés

Les annonceurs comme Kraft Foods, qui co-édite « Ma Vie en Couleurs », sont donc pleinement responsables de la prolifération sauvage de vos données personnelles en alimentant directement ce marché. Car sans client - l'annonceur en mal d'abonnés - pas d'offre donc pas de bases illicites.

Le trio base, routeur et annonceur (client final) constituent donc les piliers du spam que certains qualifient comme « légal » mais qui ne devrait justement plus l'être courant 2014.

Quelle entité détient réellement mes données personnelles ?

En se référant aux conditions générales d'utilisation (je vous rappelle que je suis censé les avoir approuvées par la magie de l'opt-in partenaire), on apprend que le site serait détenu par pas moins de trois entités :

  • Mondelēz Europe Services GmbH (Allemagne)
  • Mondelēz France SAS (France)
  • Publicis K1 SAS (France)

Le site serait donc géré par l'agence de marketing relationnel K1 (groupe Publicis) pour le compte de la multinationale « alimentaire » Mondelēz International et spécialisée dans le « snacking » (c'est-à-dire la « mal bouffe »), elle-même spin-off du géant Kraft Foods. C'est donc à l'origine cette société qui se trouve être derrière ce projet d'après la lecture de ces bribes d'informations.

Pas facile pour le « nouvel abonné » de s'y retrouver dans cet amoncellement de sociétés.

Ce programme propose de faire pétiller le quotidien des femmes et de leur rendre la vie plus légère. Une promesse émotionnelle au service du lien entre les marques et leurs consommatrices. (source : Unilever)

Après discussion avec le community manager du site sur Twitter, qui a été à la fois disponible, compétent et transparent avec moi, j'aurais été inscrit au programme relationnel Pour tout vous dire devenu en mai 2011 Ma vie en couleurs.

Initialement poussé pour les marques d'Unilever, celles de Mondelēz (ex-Kraf Foods suite à une scission du groupe en mai 2012) sont venues s'y agréger. Le véritable propriétaire de la base serait ainsi Publicis K1.

C'est cette société qui doit être à l'origine de l'acquisition d'une base « douteuse » afin d'alimenter le site de leur client, malgré les dénégations de K1 :

Tweet Ma vie en couleurs

J'aurais donc été abonné d'après eux - sans mon accord et sans demande de confirmation (le double opt-in aujourd'hui indispensable) mais seulement avec le droit de m'y désabonner - à Pour tout vous dire d'Unilever, puis à Ma vie en couleurs géré par Publicis K1 pour le compte de Mondelēz sur la base d'informations fausses (issues d'un jeu concours) et bien que n'étant pas dans la cible féminine de ce programme « pétillant » (sic).

Ajoutez à ce problème d'inscription forcée et d'absence totale de traçabilité des données, un problème de désabonnement récurrent (il m'a fallu 3 tentatives et une discussion avec le CM de Ma vie en couleurs pour qu'enfin elle aboutisse après l'envoi de 74 messages entre fin 2012 et début 2014 sans compter ceux captés par le filtre antispam d'Orange) et vous aurez alors un bon aperçu des pratiques d'une partie du marché de l'e-mailing en France.

Tweet Ma vie en couleurs

Attitude qui explique en grande partie le raz-le-bol des internautes face à des méthodes très critiquables.

L'ambition de Ma vie en couleurs repose sur une puissance inégalée : plus de 3,5 millions de membres, plus de 100 millions de contacts par an... (source : Unilever)

Enfin, bien qu'ayant adressé une plainte à travers le formulaire de contact du site, je n'ai à ce jour pas obtenu de réponse autre que celle communiquée par le CM du compte Twitter (qui je suppose, travaille chez Publicis K1). Ces réponses auraient été utiles afin de constituer un dossier auprès de la CNIL, comme la législation m'en donne la possibilité.

Je ne saurai donc jamais qui a vendu mes données personnelles à ces différentes sociétés qui annoncent en agréger des millions et ne pourrai donc pas pleinement exercer mon droit de rétractation, bien que je soupçonne là encore Arthur Media Group d'être à l'origine de la transaction via le groupe Prisma.

Mise à jour au 20 janvier : j'ai bien reçu une réponse par e-mail de K1, message envoyé non pas à l'adresse que j'avais indiquée pour la correspondance mais à celle récupérée dans leur base. Or, Orange avait classé ce message comme... spam !

Il est dit peu ou prou la même chose que ce qui m'a été communiqué sur Twitter.