Logotype Orange - Copyright Orange/ClubicLes investissements et la stratégie d'Orange en matière de musique numérique auront toujours été plus politiques qu'économiques. Accusé de faire l'apologie du téléchargement illégal à travers ses offres d'accès à Internet par l'ADSL, taxé de laxisme par l'industrie du disque et menacé de payer une énième taxe sur son chiffre d'affaires afin de combler le manque à gagner des ventes de musique, Orange a toujours répondu à ses détracteurs en plongeant la main dans ses larges poches afin de financer des nombreux projets musicaux.

WorMee, Deezer, Paroles de chansons, Orange Music Store... autant d'initiatives qui aujourd'hui n'existent plus ou dont les jours sont comptés.

Orange Music Store

Comme je le constatais dans un précédent billet consacré au label PUR, le Music Store d'Orange n'existe plus et redirige ses clients vers Deezer. Orange a donc mis fin à son offre de téléchargement de musique accessible depuis son portail et se consacrerait maintenant uniquement au streaming, à travers sa participation dans la start-up française.

En réalité, il est toujours possible d'acheter des morceaux en téléchargement sur Deezer, comme aurait pu le faire un client du Music Store d'Orange, mais le format proposé dissuadera n'importe quel audiophile, déjà rebuté par la compression MP3 : les morceaux sont encodés en 128 Kbps !

Paroles de chansons

Paroles de chansons était à ma connaissance la seule initiative grand public française et légale, et peut-être mondiale, d'accès aux paroles de chansons sur le Web. Poussée sur le portail Voilà.fr avec le concours du CSDEM, qui fait en quelque sorte office de laboratoire pour Orange (en plus d'Orange Valley), ce service très peu connu du grand public était jusqu'à sa fermeture toute récente, la seule réponse des ayants droit face aux nombreux projets jugés illégaux de Paroles.net et consorts (et lourdement condamnées).

Financée par Orange, cette initiative n'a aucun successeur sur le Web et il vous faudra vous rabattre sur des sites « pirates » afin d'avoir accès aux paroles de vos chansons préférées. Un comble.

Musiline et WorMee

Avant d'investir dans Deezer, Orange avait déjà initié plusieurs projets de streaming musical : Musiline (développé par le groupe Lagardère et animé par Yacast) sur le modèle de la smartradio et WorMee pour le on-demand, à l'époque concurrent direct de Deezer.

Musiline sera vite abandonné (lancé en janvier 2008 et fermé en septembre 2009) et WorMee disparaîtra peu de temps après la prise de participation de son éditeur dans Deezer, le service étant officiellement absorbé par la start-up.

Le cousin de WorMee, RadioMee, deviendra par la suite Orange Liveradio, un simple site d'écoute en ligne des radios du monde.

Deezer

Bien que n'étant pas l'actionnaire majoritaire, Orange est de fait le principal bailleur de fonds de la start-up, après avoir pris 11% de son capital en 2010 dans le cadre de sa stratégie « conquêtes 2015 » et commercialisé ses offres à travers ses nombreux produits (mobile, ADSL, etc.).

La très grande majorité des abonnements Premium Deezer ont d'ailleurs été souscrits par des abonnés Orange mais 80% de ces abonnements ne seraient pas actifs, comme le révèle Philippe Astor sur Électron Libre.

L'accord entre les deux sociétés, qui toujours selon Électron Libre, devrait être renouvelé in extremis, génère la grande majorité du chiffre d'affaires de Deezer et lui assurera 72 millions d'euros HT de revenus jusqu'en juillet 2015. Toujours selon cette source, le nombre d'abonnés actifs serait passé en 6 mois de 1,25 millions à 950 000 (dont 200 000 venant directement de Deezer), soit une baisse de près de 25% de comptes payants actifs.

Deezer serait toujours à la recherche de 100 millions d'euros afin de poursuivre son développement à l'international, tout en étant fragilisé sur son marché historique. La direction avait-elle anticipé le risque d'être lâchée par Orange ?

Changement de stratégie avec l'arrivée Hadopi

La fin de ce partenariat commercial avec Deezer est donc programmée et marque sans doute la fin de la stratégie d'Orange en matière de musique numérique. Le streaming et le téléchargement payants ne se sont pas révélés être les moteurs d'adhésion ou de fidélisation aux différentes offres d'abonnement Web ou mobile de la marque, comme elle devait l'espérer.

Cet investissement massif dans la musique servait aussi un but plus politique : répondre aux nombreuses critiques et mises en accusation de la filière du disque face au laxisme dont aurait fait preuve Orange vis-à-vis du téléchargement illégal de musique ou films. Mais avec Hadopi, il n'est plus question de faire l'amalgame entre haut débit et téléchargement « pirate » grâce au dispositif de riposte graduée qui dédouane les FAI de leurs responsabilités présumées.

A l'ère Hadopi et après plusieurs années d'expérimentation sur le marché de la musique numérique, Orange ne semble plus disposé (obligé ?) à investir massivement et en pure perte dans des initiatives comme Deezer, WorMee ou Paroles de chansons, projets qui n'auront pas rencontré leur public ou n'auront pas su se monétiser.