Email Attitude se définit, du point de vue de l'internaute (qui est au cœur du système puisqu'il est le « produit ») comme un acteur « sans cesse à la recherche meilleure offre. Promotions, bons plans, coupons de réduction, chèques cadeaux, nouveaux produits... ».
L'inscription au programme est libre et gratuite, mais nécessite de remplir un formulaire conséquent. Étape indispensable puisque les « promotions » et autres « bons plans » sont annoncés comme ciblés et refléter vos centres d'intérêts déclarés. Attention à ne pas réclamer d'envois publicitaires par voie postale, car l'opt-out est d'un autre âge (par courrier avec photocopie de la carte d'identité de l'abonné).
Pour en savoir un peu plus sur la finalité de cette inscription, il faut se rendre sur la page dédiée au service sur le site du groupe 1000mercis.
Classé dans les offres de publicité interactive, il est décrit comme « un programme opt-in d'envoi d'offres promotionnelles ciblées ». La base de données revendique 25 millions d'adresses e-mail dont 17 millions pour la France.
Des offres redondantes et peu ciblées...
Abonné depuis février 2011 au programme de bons plans d'Email Attitute, j'ai du attendre décembre 2011 avant de recevoir mon premier e-mail publicitaire ciblé. Mes centres d'intérêts déclarés sont alors Lecture, Presse et Cinéma, TV, Vidéo, en plus de mon adresse postale et ma date de naissance. Les autres paramètres, qui n'ont pas changé en une année, sont optionnels et ne seront donc pas remplis.
Le premier message est effectivement ciblé, géographiquement du moins, et fait la promotion d'une chaîne de restauration rapide japonaise. Aucune promotion ni bon plan, il s'agit simplement de m'avertir de l'arrivée de la nouvelle carte dans cette enseigne. De la publicité somme toute très classique pour ce premier essai. Un e-mail quasi identique me sera poussé un mois plus tard.
Le From des e-mails mentionne systématiquement l'origine du courriel publicitaire (« via Email Attitude ») et les e-mailings semblent toujours poussés par la solution interne de 1000mercis (tracking des clics et ouvertures compris).
Les 50 offres qui suivront le premier envoi seront extrêmement banales et répétitives : des jeux-concours, des offres d'abonnement avec ou sans incentive, des annonceurs classiques et de très nombreuses répétitions de messages à l'identique, parfois d'un jour sur l'autre ou le même jour avec le record détenu par Autolib' qui m'aura routé 16 messages en 8 mois (soit 28% du total des envois et 31% des publicités), suivi de l'Officiel des Vacances (ODV) avec 8 messages et Canal+ que l'on retrouve à peu près partout, avec 7 publicités, ex æquo avec Belambra.
A aucun moment il ne m'a été possible de signifier à Email Attitude l'intérêt que je pouvais porter aux publicités qui m'ont été poussées afin de modifier mon « ciblage » (qui n'est basé que sur le sexe et la ville précisée dans le formulaire d'inscription et pour les offres Canal+ ou Numericable, sur la case Cinéma, TV, Vidéo). Il n'est pas non plus possible de modifier les données saisies lors de l'inscription comme en cas de déménagement, par exemple.
...mais une base de données en forte croissance
En définitive, les offres et les annonceurs sont majoritairement redondants et manquent d'intérêt direct ou d'originalité pour retenir l'internaute. On suppose donc que la base Email Attitude souffre d'un turnover élevé.
Dès lors, on peut s'interroger sur la formidable croissance que connait cette base de données, passant de 13 millions à 17 millions d'adresses en opt-in françaises entre 2010 et 2011, soit 24% de croissance quand le nombre d'internautes n'a progressé que de 2 millions sur la même période (passant de 38 millions en décembre 2010 à 40 millions en décembre 2011, selon Médiamétrie).
Cette croissance est obtenue sans aucune forme de publicité directe auprès de l'internaute (qui a déjà été contacté par Email Attitude ?) et sans mutualisation de bases de données alors que les inscriptions sont très probablement dédoublonnées et peuvent parfois prendre près d'un an avant d'être validées, comme j'ai pu en faire l'expérience.
En plus des messages publicitaires, Email Attitude aura poussé 6 e-mails de requalification sur la période étudiée, sans que je donne suite à ces demandes (on imagine qu'elles auraient pu faire varier la nature des e-mailings ou augmenter la fréquence des envois).
Elles concerneront les voyages (avec Travel Attitude, une autre base de données ?), les projets personnels, le travail, une étude européenne sur les marques de luxe, la voiture électrique et une étude sur les habitudes de consommation des français sur le thé et le café. A noter un e-mail co-brandé Dailymotion, proposant le top 3 des vidéos qui ont créé le « buzz » en 2011 et qui pointe aujourd'hui sur une publicité pour Sony Ericsson.
Avec un CPM de 100 à 190 euros (selon le Journal du Net), le chiffre d'affaires généré par ces 51 envois publicitaires (déduction faite des messages directement poussés par Email Attitude) entre décembre 2011 et août 2012, oscille entre 5,10 et 9,69 € sans que le programme n'ait déboursé le moindre centime en acquisition (inscription « froide ») ou en récompense.
Une activité lucrative si le CPM annoncé est effectivement aussi élevé pour quelques paramètres de ciblage (âge, sexe, localité et un ou deux centres d'intérêts) pas toujours à jour, qui ne récompensent pas l'internaute autrement qu'à travers l'éventuelle offre poussée par l'annonceur, à l'inverse des programmes d'un Maximiles (qui pousse les mêmes e-mailings d'Autolib) ou Mailorama, bien plus intéressants de ce seul point de vue, des offres de réduction et de cash back directement récupérables sur un eBuyClub ou encore du phénomène Groupon.
On peut donc légitimement se demander ce qu'apporte le programme Email Attitude à l'internaute et en définitive, à l'annonceur.
Le retargeting ou la nouvelle martingale du e-marketing
La nouvelle offre d'Email Attitude, toujours basée sur sa « mégabase » de 25 millions d'adresses e-mail, repose sur le retargeting. Il s'agit de faire revenir sur le site du e-marchand qu'il vient de quitter un internaute indécis et le séduire à travers un message publicitaire personnalisé (sous la forme d'un e-mail ou d'un bandeau publicitaire). Une étude complète des offres du marché français est disponible à cette adresse.
La relative complexité technique et légale du retargeting en limite grandement l'intérêt, pourtant réel quand on se réfère au seul descriptif fonctionnel. En pratique, il faut croiser plusieurs bases de données, obtenir le consentement de l'internaute deux fois (une première pour la base Email Attitude et l'autre pour le retargeting proprement dit) et se reposer sur une donnée extrêmement volatile : le cookie de l'internaute.
J'ai moi-même été « retargeté » dans la plus totale illégalité grâce à eBuyClub via Cdiscount qui lui aura revendu mon adresse e-mail sans mon accord.
A l'heure où les cookies tiers devraient être bloqués par défaut par les navigateurs, quand des solutions comme Adblock Plus ou BetterPrivacy sont de plus en plus utilisées et les bonnes pratiques d'usage des adresses e-mail se répandent, les conditions de mise en place d'un retargeting efficace sont de plus en plus marginalisées.
1 De Stéphane Mantoux -
Un petit coucou en passant.
Je t'ai répondu sur le Cliophage.
Cordialement.