2. Une levée de fonds qui tarde à venir

Dans un précédent billet, nous avons vu les difficultés liées au modèle économique d'un site de téléchargement de musique. Un marché fragile, où deux des fournisseurs potentiels de ZeroThune, Jiwa et WMI (qui devaient fournir des services dits de backoffice) ont d'ailleurs depuis déposé bilan. :-(

Crédit photo : Howard Lake

La levée de fonds est la première chose à laquelle l'entrepreneur doit s'atteler. C'est une des conditions de la réussite - ou de l'échec - de tout projet car sans argent, point d'investissement humain, technique et structurel.

Malgré le fait qu'un site de téléchargement de musique - quel que soit son modèle - nécessite de lourds investissements pour, ne serait-ce que se lancer avant de rencontrer son public et toucher son marché, la recherche de fonds n'a pas été l'immédiate priorité du projet avant la fin 2009. Plus d'une année s'est écoulée (le projet s'est lancé en 2008) avant qu'un cabinet ne soit mandaté pour effectuer cette indispensable mission.

Le temps, c'est de l'argent (et inversement)

Pourquoi avoir laissé filer le bien le plus précieux d'une jeune entreprise innovante, c'est-à-dire le temps ? En faisant un triple pari très audacieux.

Il a en effet été très vite envisagé que le projet pourrait être auto-financé par le principal bailleur de fonds et co-fondateur du site ZeroThune. Cette position reposait en partie sur une analyse partielle des composantes techniques et commerciales du projet, menant au deuxième pari : celui d'un site développé rapidement et à moindre coût (le mythe de « l'informatique Lego » où tout n'est qu'assemblage de composants déjà existants - et gratuits). Enfin, les fondateurs tablèrent sur une commercialisation et une rentabilité rapide de l'offre afin d'en assurer la survie puis la croissance.

Le modèle économique a ainsi été « torturé » afin d'être conforme à cette vision plutôt que de prendre la pleine mesure d'un marché et de ses caractéristiques. Les sommes demandées dans les différentes versions du dossier financier ou de l'exective summary seront dès lors très élastiques. De nombreuses sources de revenus s'y empileront afin d'atteindre toujours plus vite le break-even, du moins sur le papier.

Une triple prise de risque

Malgré cette triple prise de risque dans la définition de ce projet (développement rapide, auto-financé et rentabilité rapide), aucun « plan B » n'a réellement été envisagé bien qu'il suffisait qu'un seul des postulats de départ ne se vérifie pas pour mettre en péril l'ensemble du projet. Si ce n'est solliciter encore et toujours le bailleur de ZeroThune et le convaincre de financer mois après mois l'aventure.

La recherche de fonds elle-même fut freinée par ce triple axiome, et c'est à un cabinet sans véritable expérience dans le domaine des NTIC que le dossier sera confié, dont le principal argument aura été de ne pas réclamer d'honoraires, avec des conséquences connues : aucun investisseur réellement intéressé par le projet.

Ce choix est d'ailleurs intimement lié à l'erreur suivante, c'est-à-dire l'utilisation qui fut faite de la mise de départ. Mais ceci fera l'objet d'un autre billet...

Quelques conseils

  • La levée de fonds doit être votre priorité, en parallèle du développement technique et commercial, dès le premier jour de votre projet.
  • Fixez-vous des limites et des dates butoirs, jamais à plus de 6 mois et posez-vous les bonnes questions : avez-vous atteint vos objectifs ? Quels ont été les problèmes rencontrés ? Que faut-il en conclure pour la suite du projet ?
  • Prenez le temps de bien penser votre projet en termes de dépenses et de revenus et ne vous lancez pas trop tôt dans les développements sans savoir où vous allez.
  • Faites un business plan : je lis souvent que ce document serait devenu inutile, mais il doit être au contraire votre feuille de route avant d'être le sésame de votre levée de fonds. Il est là pour révéler les forces et les faiblesses de votre projet.
  • Ne tentez jamais de masquer la situation réelle de l'entreprise à vos associés et investisseurs (ni à vous même, d'ailleurs...).

Crédit photo : Howard Lake sous licence Creative Commons.