Logo musicMe, copyright Apach NetworkAprès les difficultés puis la liquidation judiciaire des sites de streaming Allomusic et Jiwa (tous deux encore en ligne), il semblerait que le prochain acteur français de la distribution numérique à mordre la poussière soit le site musicMe.

Apach' Network, l'éditeur de cette enseigne lancée en 2006, a en effet accumulé ces deux dernières années 600 000 € de pertes, selon le site Societe.com, pour un chiffre d'affaires annuel constant d'environ 2 millions d'euros.

Il y a quelques mois, des rumeurs faisaient état d'une recherche active de fonds de la part de musicMe, recherche qui n'aurait donc pas encore abouti, compte tenu de la mise en place de cette procédure de sauvegarde.

Selon 01net, le site devait lancer une application Android début 2012 afin de compléter son offre, mais elle n'a pas encore vu le jour.

Actuellement, la société propose un catalogue de 6,6 millions de titres accessibles selon plusieurs formules, allant des classiques offres de streaming mobile ou desktop (avec publicité ou par abonnement de 5 € à 9,90 € par mois) au téléchargement à la carte mais à travers l'achat de « packs » qui, s'ils réduisent les frais bancaires du site, n'offrent pas la possibilité d'acheter un unique titre sur musicMe.

Des problèmes liés au marché de la musique

Sur un marché qui a pourtant progressé de 24% au premier trimestre 2012 selon le SNEP, les raisons de ces difficultés sont profondes et multiples.

Pour Yves Riesel P-Dg d'Abeille Musique et Qobuz, la bête noire et principal maux de la distribution en France s'appelle Deezer, et son (futur ex) comparse Orange, cassant le marché et offrant du streaming « gratuit » à qui en voudra (et même à ceux qui n'ont rien demandé, diront les mauvaises langues).

Pour d'autres, le problème est plus complexe. La musique compressée n'est pas considérée comme un produit au même titre que peut l'être le CD audio (musicMe indique bien proposer du lossless mais pas sur l'ensemble de son catalogue). Ainsi, « vendre » du MP3 serait une aberration commerciale.

L'accès aux catalogues des majors et des distributeurs ou maisons de disque indépendants se révèle être extrêmement couteux. Le cout d'accès peut aussi varier d'un acteur à l'autre, ce qui tend à produire de graves inégalités entre distributeurs, les rapports de force n'étant pas les mêmes entre les majors et Amazon ou Apple qu'avec un musicMe, par exemple.

Les marges sont, elles, extrêmement faibles voire négatives si vous ne faites pas suffisamment de ventes qui vous octroieront, selon certains contrats, des remises sur le prix de vente catalogue. Les ventes d'albums y sont plus faibles que celles des titres, qui rapportent mécaniquement moins à la plateforme de distribution.

Bien qu'affichant des millions de morceaux, les catalogues numériques sont encore loin d'être exhaustifs et le prix de vente « discounté » d'un CD audio peut parfois se révéler plus économique qu'un album MP3/AAC ou lossless.

Enfin, la concurrence y est sévère et il est presque impossible de rivaliser avec des acteurs comme Apple avec l'iTunes Store ou Amazon qui bénéficient d'une trésorerie conséquente, d'une capacité de développement technique quasi illimitée et en ce qui concerne le marché français, d'une fiscalité avantageuse notamment en matière de TVA.

A plus ou moins long terme, tous les « petits » acteurs sont voués à disparaître, quel que soit leur modèle économique : financé par la publicité (Airtist), le streaming (Jiwa) ou le téléchargement payant, si tous ces problèmes ne sont pas réglés par la filière, indépendamment du problème du « piratage ».